Attitudes envers la mort

Il n’y a pas de réalité plus universelle que la mort. Nous devons faire face à la mort de personnes qui nous sont très chères, et chacun de nous doit faire face à la certitude de sa propre mort. Dans certaines cultures on évite à tout prix d’en parler ou d’y penser. C’est un sujet qui met beaucoup de gens mal à l’aise. La mort provoque souvent la peur, le désespoir, la tristesse profonde et un sens de futilité. Même ceux dont l’existence sur terre est devenue très pénible à cause de la douleur, la solitude, ou d’autres circonstances difficiles souhaitent rarement que la mort vienne plus vite. Ils s’accrochent à la vie de façon tenace. Et quand la mort frappe nos bien-aimés, on réagit tantôt avec des pleurs et d’autres manifestations de détresse émotionnelle, tantôt dans l’engourdissement, tantôt dans la colère ou l’indignation.

Sur le plan émotionnel, le chrétien peut ressentir dans un premier temps les mêmes émotions que quiconque lorsque la mort le menace ou lui arrache, surtout de façon inattendue, une personne qu’il aime. Mais quand sa foi aura repris le dessus, quelle sera son attitude à l’égard de la mort ? Jésus-Christ a-t-il changé de façon fondamentale notre manière de penser et même de réagir émotionnellement à cette réalité universelle qu’est la mort ?

Sa résurrection a tout changé

L’apôtre Paul affirma que « notre Sauveur Jésus-Christ… a détruit la mort et a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Évangile » (2 Timothée 1.10). Le Christ a détruit, ou aboli, la mort, non en faisant que les hommes ne meurent plus, mais en démontrant que la mort n’est pas l’état final de l’homme. La résurrection de Jésus garantit la nôtre (1 Corinthiens 15.20-22). Jésus s’est montré plus puissant que la mort, et il nous dit que « l’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement » (Jean 5.28,29).

Ceux qui vécurent sous l’Ancien Testament n’avaient pas cette conception claire et certaine de la vie après la mort. La souffrance de Job était aggravée par son ignorance sur ce point. Il dit :

« Un arbre a de l’espérance : quand on le coupe, il repousse, il produit encore des rejetons ; quand sa racine a vieilli dans la terre, quand son tronc meurt dans la poussière, il reverdit à l’approche de l’eau, il pousse des branches comme une jeune plante. Mais l’homme meurt, et il perd sa force ; l’homme expire, et où est-il ? Les eaux des lacs s’évanouissent, les fleuves tarissent et se dessèchent ; ainsi l’homme se couche et ne se relèvera plus, il ne se réveillera pas tant que les cieux subsisteront, il ne sortira pas de son sommeil… Si l’homme une fois mort pouvait revivre, j’aurais de l’espoir tout le temps de mes souffrances, jusqu’à ce que mon état vînt à changer. » (Job 14.7-12,14)

Job dit que l’homme n’est pas comme l’arbre qu’on abat et qui peut éventuellement repousser. Il ne croyait ni à la résurrection ni à la réincarnation. Il ne croyait pas non plus que l’homme cesse d’exister lorsqu’il meurt, mais que son existence triste dans le séjour des morts, un monde d’ombres, ne permettrait pas la sorte d’activité qui glorifie Dieu (voir Ésaïe 38.18,19). Dieu n’avait pas clairement révélé au temps de Job l’idée de la résurrection, telle que nous la connaissons dans le Nouveau Testament. L’idée s’éclaircissait quand même au cours des siècles de l’histoire juive (Daniel 12.2,3), et au premier siècle beaucoup de Juifs, tels les pharisiens, croyaient fermement à la résurrection des morts (Actes 23.8; Jean 11.23,24). Les sadducéens contestaient cette idée (Luc 20.27-38), mais l’Évangile et la résurrection de Jésus lui-même ont mis fin à ce débat pour toujours : Jésus notre Seigneur « a mis en évidence la vie et l’immortalité par l’Évangile » (2 Tim. 1.10).

Il est clair que le chrétien est très béni par la victoire de Jésus sur la mort. En parlant de notre résurrection future, l’apôtre Paul écrit en 1 Corinthiens 15.54-57 :

« Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô mort, où est ta victoire ? Ô mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et la puissance du péché, c’est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ ! »

Puisqu’il en est ainsi, il y a certaines réactions à la mort qui sont très répandues parmi les gens du monde, mais qui ne sont pas très raisonnables chez le chrétien.

Ed Ritchie exprime cette idée dans le cantique « Seigneur, dans ma souffrance », où le chrétien s’adresse à lui-même en ces termes :

« Âme faible et craintive,
Pourquoi donc te troubler ?
Quand tu n’es plus captive,
Comment peux-tu trembler ?
Laisse aux enfants du monde
Les soucis et les pleurs. »

Voyons donc trois attitudes ou comportements qui n’ont plus vraiment de place en nous qui sommes en Jésus-Christ.

Ne pas craindre

Avant la mort et la résurrection de Jésus, Satan avait comme arme « la puissance de la mort », mais Jésus est venu dans le monde afin « qu’il délivrât tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans la servitude » (Hébreux 2.14,15). La peur de mourir opprime les hommes, mais elle les fait tomber dans de nombreux péchés, aussi. Parce qu’on a peur de mourir, on se tait quand il faudrait élever la voix pour s’opposer à l’injustice ; on reste au loin quand la compassion devrait motiver à s’approcher pour servir les malades, les prisonniers, ou ceux qui se trouvent en divers dangers. Parce qu’on a peur de la mort, on a recours aux praticiens occultes – les marabouts en Afrique de l’ouest, les guérisseurs païens en divers pays, les houngans en Haïti – et l’on commet ainsi une grave infidélité contre Dieu. Par peur de la mort, on renie son Seigneur, comme l’apôtre Pierre l’a fait (Luc 22.54-62). Toutes sortes de tentations perdent leur force quand l’homme n’a plus peur de la mort.

D’où vient cette crainte de la mort ? Peut-être qu’on a peur de l’inconnu ; peut-être qu’on a peur de perdre ce qu’on aime : ses conforts, ses proches, son activité dans le monde, les choses pour lesquelles on a tant lutté pendant sa vie ; peut-être qu’on a peur de la condamnation au dernier jugement. Le chrétien fidèle sait que, grâce au Seigneur Jésus, il a la promesse de la vie éternelle avec Dieu. « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8.1). Jésus dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement (sous la condamnation), mais il est passé de la mort à la vie » (Jean 5.24). Si nous croyons vraiment à cette bonne nouvelle que nous prêchons, nous pourrons avoir l’attitude exprimée par l’apôtre Paul : « Christ est ma vie, et la mort m’est un gain. Mais s’il est utile pour mon œuvre que je vive dans la chair, je ne saurais dire ce que je dois préférer. Je suis pressé des deux côtés ; j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur ; mais à cause de vous il est plus nécessaire que je demeure dans la chair » (Philippiens 1.21-24). Paul n’avait peur ni de ce que la vie lui réservait, ni de la mort. Mais à cause de sa foi aux promesses de Dieu, il était convaincu que la mort était préférable. Au lieu de l’éviter à tout prix, il était prêt à accueillir la mort avec joie quand le Seigneur déciderait que le moment était venu.

Dans un autre passage, il exprime la même confiance, celle que tout chrétien fidèle devrait démontrer dans sa vie :

« Nous savons, en effet, que, si cette tente où nous habitons sur la terre (notre corps) est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été faite de main d’homme. Aussi nous gémissons dans cette tente, désirant revêtir notre domicile céleste… Nous sommes donc toujours pleins de confiance, et nous savons qu’en demeurant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur. » (2 Corinthiens 5.1,2,6)

Ne pas s’affliger comme les autres

Quand une personne que nous avons aimée vient à mourir, il est normal de ressentir de la tristesse, car nous éprouvons une sorte de perte. Même si nous ne connaissions pas intimement le défunt, la douleur que nous lisons dans les visages de ses proches peut nous toucher et faire couler quelques larmes. Quand Jésus se trouvait devant le tombeau de son ami Lazare, bien qu’il sache fort bien qu’il allait ressusciter Lazare quelques instants après, le Seigneur pleura (Jean 11.35). C’était normal : Jésus était plein de compassion. Quand Étienne, le premier martyr chrétien, fut lapidé à mort, la Bible dit que « des hommes pieux ensevelirent Étienne, et le pleurèrent à grand bruit » (Actes 8.2). C’était un homme de bien, et il avait été tué par une foule en furie pour avoir eu le courage de dire la vérité. Il était normal d’avoir un sentiment navré et amer devant une telle injustice, devant la mort gratuite d’un tel homme.

Malgré la tristesse naturelle que nous ne voulons pas rejeter, il devrait y avoir une différence profonde entre la réaction des chrétiens à l’égard de la mort de l’un des leurs et la réaction des non-chrétiens face à la mort. Paul dit en 1 Thessaloniciens 4.13 : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n’ont pas d’espérance. » Après avoir rassuré ses lecteurs qu’au retour de Jésus-Christ les morts ressusciteront et que nous serons toujours avec le Seigneur, il ajoute : « Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles » (1 Thessaloniciens 4.18). La mort ne représente pour nous chrétiens qu’une séparation temporaire de nos bien-aimés en Christ. En plus, nous trouvons du réconfort dans la confiance que ceux qui nous ont devancés ne souffrent pas ; au contraire, ils sont bénis : « Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent » (Apocalypse 14.13).

Tout comme notre espérance chrétienne vainc la peur, elle adoucit la tristesse.

Ne pas se fâcher

Une autre réaction à la mort qui ne devrait pas caractériser le chrétien, c’est la colère contre Dieu. Il est vrai qu’il y a des situations où Dieu fait ou permet des choses que nous ne comprenons pas, des choses qui suscitent en nous une forte douleur émotionnelle. Nous lui avons prié d’épargner la vie de notre enfant, mais l’enfant est quand même décédé. Un désastre, tel qu’une inondation ou un tremblement de terre, ou bien une guerre, a provoqué la mort de quelques dizaines de milliers de personnes, et nous nous demandons pourquoi Dieu n’est pas intervenu pour les sauver. Un conducteur soûl provoque un accident dans lequel un chrétien fidèle perd la vie, tandis que celui qui était en faute en sort indemne. Celui qui ne « mérite » pas la mort est fauché par elle ; quant à celui qui ne mérite pas de vivre ou qui n’a plus vraiment envie de vivre, il survit. Certaines personnes qui sont touchées par ces situations qui nous semblent tellement injustes se rebellent contre Dieu. Elles se fâchent contre lui et l’accusent. Une femme m’a dit tout récemment qu’elle avait perdu son père quand il n’avait que 39 ans et qu’elle était encore petite (trois ans). On lui avait dit que le Seigneur avait « pris » son papa, ce qui l’avait rendue amère envers Dieu pendant des années. Elle me disait qu’on pouvait dire que le défunt était « avec le Seigneur » mais qu’on ne devait jamais dire que le Seigneur « avait pris » la personne. Elle peut très bien avoir raison de ne pas employer certains termes avec de jeunes enfants qui, bien sûr, ne sont pas en mesure de comprendre comme des adultes. Mais une grande personne devrait reconnaître ce que dit le Créateur et le Souverain de l’univers : « Sachez donc que c’est moi qui suis Dieu, et qu’il n’y a point de dieu près de moi ; je fais vivre et je fais mourir, je blesse et je guéris, et personne ne délivre de ma main » (Deutéronome 32.39).

Gardons-nous de condamner les décisions de l’Omniscient. Nous ne savons pas ce qu’il sait. Qu’il condamne ou qu’il pardonne, qu’il bénisse ou qu’il envoie l’épreuve, nous ne sommes pas qualifiés pour lui dire qu’il a mal fait. Sa Parole nous rappelle : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées » (Ésaïe 55.8,9). Non seulement Dieu est omniscient, mais il est le Créateur de toutes choses et de plein droit le Maître incontesté de l’univers. Plus que quiconque, nous les chrétiens devrions accepter son autorité et nous soumettre humblement à ses décisions. Dans un autre numéro nous avons paraphrasé ce que Dieu dit à Job, qui dans sa souffrance avait dit des choses très osées : « Job, le fait que tu souffres ne te donne pas le droit de me blâmer, et ne te dispense pas du devoir de t’approcher de moi dans l’humilité et la soumission. Je n’ai aucun besoin de me justifier devant un être humain, et je ne te donnerai pas d’explications simplement parce que tu en as réclamées. » La Bible dit en Actes 13.36 : « David, après avoir en son temps servi au dessein de Dieu, est mort [et] a été réuni à ses pères. » C’est Dieu qui décide quand une personne a fini de servir à son dessein et peut s’en aller pour recevoir sa récompense éternelle.

Mais ce n’est pas simplement parce que nous reconnaissons l’autorité de Dieu que nous pouvons accepter ses décisions concernant la vie et la mort ; nous avons, en plus, l’assurance de sa justice et de son amour. En Romains 5.8 Paul dit : « Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. » Quoiqu’il arrive dans notre vie, nous pouvons être certains d’une chose : Dieu nous aime. Quand le malheur frappe, on est tenté de dire : « Pourquoi Dieu ne m’aime-t-il pas ? S’il m’aimait, il ne permettrait pas une telle tragédie dans ma vie. » Il se peut que nous ne comprenions jamais pourquoi tel événement douloureux s’est produit, mais une chose est sûre : si Dieu ne nous aimait pas, il n’aurait jamais envoyé son Fils unique pour qu’on le maltraite et l’humilie, pour qu’il souffre et meure sur une croix à notre place. Un tel amour est insondable et indéniable.

Dieu a le droit d’appeler en jugement n’importe qui à n’importe quel moment. Il n’agit pas injustement quand il le fait. Supposez que Dieu « fait mourir » un jeune chrétien qui avait devant lui, à nos yeux, toute une vie de joie et de service à rendre dans l’Église. Nous pouvons être sûrs que ce jeune ne se lamentera pas dans l’au-delà de tout ce qu’il n’a pas eu l’occasion de vivre ici sur la terre. Comme Paul l’a dit : « J’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur » (Phil. 1.23).

Pèlerins sur cette terre

Une idée qui revient souvent dans la Parole de Dieu est que nous sommes de passage dans ce monde et que nous ne devons pas trop nous y attacher. « Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme » (1 Pierre 2.11). « Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir » (Hébreux 13.14). « Ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais notre cité à nous est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Philippiens 3.19,20). « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel… Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Matthieu 6.19-21). Nous rappeler que nous sommes là pour peu de temps nous aide à fixer les yeux sur notre destination finale et à supporter les difficultés et les privations de cette vie, sachant que « les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (Romains 8.18).

Conclusion

Parfois, on entend quelqu’un parler d’une situation où une vie a été en danger. Si la personne n’est pas morte, même si elle a été blessée ou doit se contenter d’une santé qui sera toujours fragile, on se console en disant qu’elle a pu « éviter le pire ». Certes, il y a dans une telle situation de quoi remercier Dieu. En même temps, le chrétien devrait reconnaître que la mort n’est pas du tout « le pire » qui puisse arriver ; au contraire, elle permet au fidèle d’entrer dans un bonheur parfait et éternel. Le pire, c’est le fait de mourir dans un état de rébellion contre son Dieu. Ce n’est que dans le cas où il vit dans l’infidélité que le chrétien devrait craindre la mort. Ce n’est donc pas la mort qui est l’ennemi ; c’est le péché.

La réalité de la mort tout autour de nous devrait nous amener à vivre de telle manière que nous soyons prêts pour le jugement. La philosophie du monde est « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Cor. 15.32). La philosophie des chrétiens est que la mort est pour eux un gain, mais elle leur rappelle aussi l’urgence de la mission que Dieu leur confie tant qu’ils sont sur la terre :

« Nous sommes pleins de confiance, et nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur. C’est pour cela aussi que nous nous efforçons de lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions. Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes » (2 Corinthiens 5.8-11)

B. B.
(Dans Vol. 13, No. 1)

Des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation

En Jean 4, Jésus décida de quitter la Judée, la partie méridionale de la Palestine, pour se rendre dans la région de la Galilée, au nord, là où il avait grandi. En Judée et en Galilée, il y avait de grandes populations juives. (En Galilée il y avait aussi de nombreux non-Juifs.) Entre ces deux régions se trouvait la Samarie, un pays habité d’un peuple dont les ancêtres israélites s’étaient mariés avec des païens. Or comme Jean 4.9 le dit, « les Juifs […] n’ont pas de relations avec les Samaritains ». Au temps de Jésus cette inimitié datait déjà de plusieurs siècles. À cause de cette hostilité, des Juifs qui voulaient se rendre de la Judée en Galilée contournaient la région de Samarie. Il fallait, en passant par la Samarie, trois jours de marche pour faire le voyage, mais on préférait généralement prendre six jours et traverser deux fois le Jourdain pour éviter ce territoire et ce peuple « maudits ».

Jésus fait tomber les murs

En Jean 4.4 l’auteur dit de Jésus : « Il fallait qu’il passât par la Samarie. » Comme nous venons de le voir, ce n’était pas parce qu’il n’y avait pas d’autre route à suivre pour aller en Galilée. Jésus devait passer par là parce qu’il voulait commencer à enlever les barrières entre Juifs et Samaritains. Il voulait que ses disciples comprennent qu’il n’avait pas d’égard pour les préjugés des Juifs contre leurs voisins.

Arrivé près de la ville samaritaine de Sychar, Jésus s’assit au bord d’un puits où il attendait pendant que ses disciples achetaient de la nourriture en ville. Une femme vint chercher de l’eau au puits. Quand Jésus adressa une parole à cette femme pour lui demander de puiser de l’eau pour qu’il boive, elle en fut très surprise. Elle dit : « Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? » Jean explique cette réaction : « Les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains. » Ils considéraient les membres de cette « race impure » comme étant au même niveau que des chiens ou des hommes possédés de démons. Mais Jésus parla à cette femme. Il lui a parlé de vérités spirituelles, et il accepta même de passer deux jours dans cette ville samaritaine pour enseigner les habitants. Il voyait chaque personne comme un individu, créé à l’image de Dieu, et non comme représentant de telle ou telle nationalité.

Les disciples de Jésus ont été lents à comprendre, mais finalement ils ont adopté l’attitude de leur maître. Tout chrétien ferait bien, non seulement de suivre l’exemple de Jésus, qui avait de l’amour pour tous les hommes de toutes les ethnies, mais aussi de mettre dans son cœur ces vérités enseignées par ses apôtres :

Dieu ne tient pas compte de notre nationalité, ethnie ou langue

En Actes 10, Dieu voulait que l’apôtre Pierre porte l’Évangile pour la première fois à un non-Juif. Bien que Jésus ait ordonné quelques années auparavant de « faire des disciples de toutes les nations (ethnies) » (Matthieu 28.19), l’Église avait jusqu’à ce jour prêché uniquement aux Juifs, aux convertis au judaïsme, et depuis Actes 8 aux Samaritains. Si le fossé qui divisait les Juifs et les Samaritains était profond, celui qui séparait les Juifs et les Gentils (les païens, ou non-Juifs) était encore plus important. Dieu donna donc à Pierre une vision spéciale pour qu’il accepte d’aller chez un non-Juif du nom de Corneille. Dans la vision Pierre vit des animaux qui avaient été déclarés impurs pour les Juifs. Une voix lui dit : « Lève-toi, Pierre, tue et mange. » Comme Pierre ne voulait pas, la voix insista : « Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé » (Actes 10.13-15).

Quand Pierre arriva chez Corneille, il avait compris le sens de la vision. Il dit à ceux qui s’y étaient réunis : « Vous savez qu’il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d’entrer chez lui ; mais Dieu m’a appris à ne regarder aucun homme comme souillé ou impur. C’est pourquoi je n’ai pas eu d’objection à venir, puisque vous m’avez appelé » (Actes 10.28,29).

Signalons en passant que rien dans la loi de Moïse n’interdisait aux Juifs d’entrer chez un non-Juif. Il est vrai qu’ils ne devaient pas se marier avec des païens, et leurs lois alimentaires rendaient plus difficile de partager des repas avec ceux qui n’observaient pas ces lois ; mais Pierre se réfère sans doute aux traditions des anciens et non pas à la loi donnée par Dieu. Ce qu’il dit souligne, néanmoins, la grande séparation entre Juifs et non-Juifs. Pierre comprenait maintenant qu’elle avait été enlevée en Christ : « En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu’en toute nation celui le craint et qui pratique la justice lui est agréable » (Actes 10.34,35).

Jésus a donné sa vie pour ceux de toutes les nations. En Apocalypse 5.9,10 les anges chantent ses louanges justement pour cette raison : « Ils chantaient un cantique nouveau, en disant : Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation. Tu as fait d’eux un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre. »

Il n’y a ni nationalité ni ethnie dans l’Église

La distinction entre Juif et Gentil avait été très importante sous l’ancienne alliance. En Éphésiens 2.12 Paul rappela aux Gentils (les non-circoncis) qu’ils n’avaient joui d’aucun des privilèges du peuple de Dieu : « Souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. » Mais il poursuivit en expliquant que depuis la mort de Christ cette distinction n’était plus. Tous les deux avaient été sous la condamnation à cause de leurs péchés (Romains 3.9,10,19,23) ; maintenant tous les deux avaient la possibilité de réconciliation avec Dieu dans un seul corps. « Car il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimitié, ayant anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions, afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié. Il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près ; car par lui nous avons les uns et les autres accès auprès du Père, dans un même Esprit » (Éphésiens 2.14-18).

Jésus n’est pas mort pour qu’il existe deux Églises distinctes, une composée de Juifs et l’autre composée de non-Juifs. Il a voulu que tous les sauvés soient réunis en un seul corps. Cette unité faisait partie du plan de Dieu depuis l’éternité (Éphésiens 1.10). Il est évident que le Seigneur n’a pas voulu non plus une Église à part pour les noirs ou les Asiatiques. Il n’a pas prévu une Église pour certaines ethnies et une autre Église pour les ethnies avec lesquelles celles-là ne s’entendaient pas avant de connaître le Christ. Dieu a voulu que le salut soit offert à tous de la même manière et dans le même corps spirituel.

Il n’est pas seulement question de la manière de Dieu de nous considérer. Le Seigneur veut que l’unité soit une réalité que nous vivons. En Romains 15.7 Paul dit aux chrétiens juifs et païens : « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. » On ne doit pas se dire que Dieu ne tient pas compte de notre couleur ou notre nationalité, mais que parmi nous les hommes dans l’Église ces distinctions peuvent garder leur importance. Une partie de ce qui fait la beauté du plan de Dieu, c’est qu’il prend des hommes qui étaient divisés et hostiles les uns aux autres pour les réunir dans un seul corps de croyants unis dans l’amour fraternel.

Ayant compris que Dieu nous aime tous de la même manière, quelle que soit notre couleur ou notre langue, et ayant compris que les distinctions politiques, raciales et ethniques n’ont pas de place au sein de son Église, qui est le royaume du Christ, nous devons comprendre un troisième principe :

La vraie patrie des chrétiens, c’est le ciel

Nous sommes nés citoyens d’un pays et parfois membres d’une ethnie particulière. Nous avons naturellement un attachement émotionnel au pays de notre naissance ou de nos parents, et nous avons des liens importants avec ceux qui partagent notre langue et notre culture. Nous sommes fiers quand notre pays se montre excellent sur un plan quelconque ; nous avons honte quand notre pays ou ses dirigeants agissent de manière indigne. Nous nous soucions de l’avenir de nos pays, car nous supposons que nos enfants seront bénis ou pénalisés selon le sort de leur pays de résidence. Mais en tant que chrétiens, la citoyenneté qui compte le plus pour nous, c’est notre appartenance au royaume de Dieu. Ayant parlé de ceux qui « ne pensent qu’aux choses de la terre », Paul rappelle que « notre cité à nous est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Philippiens 3.19,20). C’est ainsi que la Bible appelle souvent les chrétiens des « étrangers » et insiste sur le caractère passager de leur « séjour » sur la terre. Pierre adresse sa première épître « à ceux qui sont étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie » (1 Pierre 1.1). Les destinataires de cette lettre étaient, pour la plupart, des indigènes, et du point de vue légal ils étaient citoyens des provinces mentionnés. Néanmoins, Pierre leur dit de se voir comme étrangers. Plus loin dans la même épître, Pierre insiste encore sur cette réalité : « Bien aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises qui font la guerre à l’âme » (1 Pierre 2.11). En 1 Pierre 1.17, il leur dit : « Conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre pèlerinage ». L’idée que la vie chrétienne ressemble à un pèlerinage revient dans l’épître aux Hébreux, où l’auteur nous réfère à l’exemple d’Abraham et des autres patriarches qui « reconnaissaient qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre ». Ils enseignent que, comme eux, nous devons chercher « une patrie céleste », et que Dieu nous a, en fait, préparé une telle cité (Hébreux 11.13-16).

Ce principe s’applique de plusieurs manières dans la vie du chrétien. Il signifie que nous ne devons pas nous laisser détourner de notre mission et notre objectif céleste par la poursuite de richesses terrestres. Il signifie que nous devons nous garder des comportements pécheurs qui nous empêcheraient dans notre marche vers le ciel. Il signifie que nous ne devons pas nous conformer aux coutumes de ce monde auquel nous n’appartenons pas ; nous sommes étrangers ici-bas et devons nous attendre à être différents de nos voisins. Mais il signifie aussi que nous devrions nous considérer avant tout comme chrétiens plutôt que comme français, ivoiriens, congolais, haïtiens, burkinabés, camerounais, etc. (De même, nous sommes chrétiens d’abord, et ensuite membres de telle ou telle ethnie.) Nos émotions les plus fortes, nos plus grands sacrifices et notre loyauté la plus profonde se rapportent tous au royaume glorieux et céleste dont nous sommes, par la grâce de Dieu, citoyens. Il est bien de nous entendre, le plus possible, avec nos compatriotes, mais nous devrions toujours avoir un plus grand amour pour nos frères et sœurs en Christ, quelle que soit leur race, leur ethnie ou leur nationalité, que pour des non-croyants qui sont, par hasard, du même pays ou de la même ethnie que nous.

Cette attitude « sans frontières » a bien pris racine dans l’Église primitive. Vers l’an 200 apr. J.-C. un auteur inconnu écrivit ceci au sujet des chrétiens, dans une lettre à un certain Diognète : « Bien qu’ils habitent des cités grecques ou barbares, selon le cas de chacun, et qu’ils suivent les coutumes du pays en ce qui concerne l’habillement et la nourriture et d’autres affaires de la vie quotidienne, en même temps ils manifestent la nature remarquable et extraordinaire de leur propre cité. Ils habitent leurs propres pays, mais uniquement comme étrangers… Chaque pays étranger est leur patrie, et pourtant pour eux, chaque patrie est un pays étranger… Ils aiment tous les hommes. »

Applications pratiques

Chacun doit donc s’examiner pour voir s’il n’a pas besoin de changer sa façon de penser, de parler ou d’agir. Si nous avons encore des attitudes racistes ou tribalistes, nous devons les bannir. On ne devrait jamais rencontrer dans le langage d’un chrétien des expressions qui montrent du mépris pour une personne à cause de son ethnie ou son pays d’origine. Un étranger qui entre dans une de nos assemblées ne devrait jamais sentir qu’il n’est pas bienvenu à cause de sa race ou sa langue. Pour la compréhension de l’enseignement et l’expression facile de louange à Dieu, il n’est pas mal de faire des cultes ou des classes à part pour ceux qui parlent une langue particulière. Néanmoins, il faut consciemment cultiver et conserver la vraie communion fraternelle qui ne connaît pas de frontières linguistiques.

Quand ceux du monde s’opposent à un mariage parce que le couple n’est pas de la même ethnie, ceux qui sont dans l’Église devraient plutôt attacher de l’importance au fait de partager la même foi en Christ, d’avoir la même compréhension de sa volonté.

Quand ceux du monde s’enflamment contre telles ethnie ou nationalité, que ce soit des gens qui habitent dans le même pays ou des habitants des pays différents qui sont en guerre, les chrétiens devraient éviter de se jeter dans le conflit d’un côté ou de l’autre. Ils devraient se garder de classer tous les citoyens d’un pays ou tous les membres d’une race comme ayant les mêmes défauts. Le chrétien doit continuer de faire comme Jésus, en voyant chaque personne comme un individu et en aimant chaque personne sans tenir compte de son pays d’origine. Il n’y a pour Jésus que deux catégories de personnes : les sauvés et les perdus, ceux qui sont soumis à Dieu et ceux qui sont encore sous le pouvoir de Satan.

Au lieu de nous acharner pour le contrôle de tel ou tel territoire destiné à la destruction lorsque Jésus reviendra, au lieu de militer pour des pouvoirs politiques ou des avantages mondains, nous devons penser plus à la récompense qui nous attend au ciel et aux moyens de sauver « des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation ».

Conclusion

Dans un monde où nous voyons partout la guerre et les massacres, les injustices, la souffrance et d’autres maux qui résultent du racisme et du tribalisme, faisons en sorte que l’Église de Jésus-Christ soit un asile, un lieu de paix entre les hommes de différentes origines, une colonie du ciel où l’amour prend la place de la haine, et la règle d’or (Matthieu 7.12) est réellement mise en pratique.

Quelle que soit la couleur de ta peau ou la langue que tu parles, quel que soit le pays qui a émis ta carte d’identité, tu as une grande valeur aux yeux de Dieu. Quand tu es baptisé en Christ, tu deviens mon frère ou ma sœur. Nous avons désormais la même patrie : le ciel. Et nous voyons nos prochains de la même manière : soit comme des gens sauvés par le sang de Jésus, soit comme des gens encore perdus, mais que le Seigneur veut sauver.

B. B.
(Dans Vol. 7, No. 1)